Un film français sur l’occupation allemande ? Oui, mais pas que.

Car si de prime abord le thème nous semble grossièrement facile car exploité à l’usure, le nouveau film de Christian Duguay est en fait l’une de ces douces surprises que l’on découvre souvent plus dans le cinéma français indépendant. Plus léché, plus sensible, à l’ombre des clichés des fictions du genre, Un sac de billes est d’abord l’adaptation du roman de Joseph Joffo, moment clé dans la vie de cet enfant juif en temps de guerre.

Chez ceux qui ont lu le livre, certains se rappelleront peut-être le préambule de l’auteur, informant le lecteur sur le postulat de l’ouvrage : ceci n’est pas l’oeuvre d’un écrivain, mais bien celles d’un homme qui sans aucune prétention artistique ni littéraire cherche d’abord à compter la vérité, telle qu’elle demeure dans sa mémoire et ses souvenirs d’enfant. Ainsi la trame du film se veut propre à la volonté de l’oeuvre initiale : une surface simple, sans excès scénaristiques et aux rebondissements réalistes ; on sait, on voit que ce qui s’y passe a existé. On peut ne pas s’identifier pleinement aux personnages, mais il est difficile de ne pas reconnaître la vraisemblance des éléments narratifs exposés.

 

Tout en restant très fidèle à l’essentiel du roman, Christian Duguay se permet quelques changements scénaristiques bénins, comme l’irrémédiable mise en sourdines de quelques passages, nécessaires à la bienséance de l’adaptation. Adaptée sur grand écran, Un Sac de billes demeure ainsi sous cet autre médium une retranscription efficace et honnête des souvenirs de Joseph Joffo.

L’interprétation des personnages n’est pas des plus innocentes dans l’efficacité de ce long métrage. Après une première réserve personnelle et assumée lors du visionnage de la bande-annonce, l’on est forcé de reconnaître que chacun des comédiens – dont un qui débecte généralement les masses – livre une performance étonnante, pleine de surprises et de sensibilité. Des petits nouveaux de la scène Dorian Le Clech et Batyste Fleurial au Patrick Bruel que l’on aurait tendance à croire (à tort) un peu dépassé voire rébarbatif. Tous apportent leur pierre à l’édifice sans trop de manières, mais juste ce qu’il faut de passion et de finesse au sein de l’interprétation. Un casting qui brille donc par la diversité de ses profils et de ses expériences, mais surtout par la justesse générale de ses interprétations.

 

Car s’il s’agit de rester juste, c’est qu’il est certes question de vérités lointaines devenues populaires, axes établis de l’histoire de France, mais avant tout de souvenirs précis d’un enfant qui ne peut s’en affranchir qu’en la partageant avec autrui. La poésie du propos ne réside donc pas simplement dans un trivial “ Voici mon histoire ”, mais essentiellement dans la pureté et l’honnêteté du vécu du personnage de Jo. Et c’est cette poésie du roman même qu’arrive à transmettre le réalisateur, connu déjà pour la beauté de ses plans dans Belle et Sébastien ou encore Jappeloup.

La lumière est douce, et les villes de France en sont sublimées malgré le temps de guerre ; on nous offre la vision d’une vie qui s’efforce de continuer malgré les pénuries, malgré les carnages, malgré la peur. Cette peur, mère d’une tension constante tout au long de l’histoire, est la plus réelle des vérités d’Un Sac de billes : une peur qui pourtant n’est jamais vraiment victorieuse devant l’innocence des âmes enfantines que l’on force à grandir trop vite ; l’accent est souvent mis sur les rires et les jeux, les bagarres entre frères et la tendresse des parents.

Pour ces deux jeunes garçons, la France devient un terrain de jeux couplé d’un lieu d’aventures, où la mort, mais aussi l’amour et l’espoir véhiculé par l’entraide, les romances et la Résistance viennent tour à tour se manifester, effaçant alors le chagrin occasionné par une vie de fugitif. Si l’intrigue générale n’a pas à se confesser de longueurs particulières, les plans prennent pourtant leur temps de poser le décor, de s’attarder sur les petits détails qui font la beauté d’un instant, et de nous les rendre aussi vrais et naturels que dans les yeux d’un enfant de dix ans.

 

Un Sac de billes est définitivement une bonne surprise, loin des clichés du genre auxquels on pourrait s’attendre face à la bande-annonce, et nous tire même quelques larmes si l’on fait partie des plus émotifs. Tout comme l’oeuvre originale, le film de Christian Duguay cherche ainsi à montrer que même prisonnier d’un contexte épineux et mortel, malgré tout le monde reste beau si l’on sait comment le regarder.