Sorti ce 20 septembre dernier, le film Ça ne manquera pas de rappeler des souvenirs à toute une génération. Amateur de frisson, ou pas, vous hésitez encore à franchir le pas de la salle de cinéma ? Voici un petit aperçu de ce qui vous attend à l’écran.

Catégorisé comme du drame ou du thriller, Ça n’est pas vraiment un film d’horreur. Mais Ça n’est pas non plus à mettre devant tous les yeux. Si la phobie des clowns vous paralysait déjà au cirque, il tombe sous le sens de vous éviter une rechute. Mais au-delà du statut d’appât démoniaque symbolisé par Pennywise, le vrai danger réside le plus souvent dans les entrailles du réel.

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Sur un grand nombre de points, il me semble compliqué pour Muschietti de décevoir les fans de la première heure. Inconditionnels de Stephen King et/ou amateurs de Tim Curry, la génération des premiers Ça retrouvera sans aucun doute ni aucune crainte (?) son oeuvre fétiche fraîchement dépoussiérée mais à l’âme parfaitement conservée. Car ce qui séduit dans l’immédiat quand Ça commence, c’est son atmosphère vintage que chacun (ou presque) souhaitait retrouver.

Forte de son succès ces derniers temps, l’ambiance instaurée par le vieux remis à neuf amène son lot de nostalgie dans nos coeurs quelques peu affadis par un trop plein de spectacle et d’effets spéciaux dont les années 2010 sont clairement marquées. Ça ne fait pas dans le remake de mauvais goût – à l’inverse de son compères aux longues griffes de 2010, suivez mon regard… -, et propose au contraire une ambiance doucement grinçante et nostalgique. Les virées à vélo à la Goonies et plus récemment à la Stranger Things réconforte en nous rendant au passage quelques années jusqu’alors enterrées. Et la joie de retrouver une vieille histoire n’entache pas l’attente et le frisson ; car si le destin du jeune Georgie et de sa petite frégate n’est plus un secret depuis longtemps, la mythique scène d’ouverture excite encore la salle tout entière.

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Et si le frisson demeure cependant palpable pour les coeurs les plus sensibles, c’est dans un premier temps grâce à un meilleur traitement de la peur à travers l’image. Le roman original met en avant la peur personnelle, qui est propre à chacun : l’un a peur des récits qu’il lit tandis qu’un autre se cache les yeux devant une peinture. Et c’est pourquoi les peurs mises en avant ne parleront pas directement à tous. Mais Ça n’en a jamais eu l’objectif. Le cliché de la peur est une fois encore à son apogée et merveilleusement mis en scène ; l’idée n’est pas de nous faire peur avec les angoisses d’un autre, mais de nous montrer ses effets directs ainsi que l’ampleur de ses conséquences. La peur se matérialise sous des formes très diverses et nous met concrètement à l’épreuve.

Annoncée par quelques clichés de genre (il en faut bien un peu), elle se détache cependant de son usage habituel pour au contraire mieux servir le récit. Ça ne cherche pas à vous effrayer avec les craintes des personnages. Ça cherche plutôt à instaurer une angoisse qui se resserre toujours un peu plus dans l’espace – et les personnages en feront suffisamment les frais. La réalisation de Muschietti met ainsi l’accent sur l’originalité des protagonistes et de la fragilité sincère de leurs émotions. Catégorisés comme “freaks” du lycée à cause de leur sensibilité, leurs bonnes notes ou leurs différences, leur singularité fera vite leur force jusqu’à ce que Ça leur succombe. C’est donc bien la peur qui les rapproche, les divise, et qui les lie à nouveau, se révélant alors comme première cause de leur étonnante solidarité.

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Car Ça vit dans un monde où les adultes lui sont complices. Et la jeunesse n’a d’autre choix que de s’unir pour contrer la cruauté du monde présente à chaque coin de rue. Ici encore, comme dans la plupart des Stephen King, le Mal réel se retrouve au final bien plus dans les esprits dérangés que dans des entités purement fantastiques. Ça n’est autre que la métaphore du réel aux dents acérées, affamé d’innocence et de pureté, avide de dévorer les chairs molles et tièdes que les désillusions du temps n’ont pas encore tannées.

Et l’adulte dans Ça est toujours coupable (ou presque) ; tantôt lubrique, tantôt détourné, son regard prédateur vient glacer le sang à côté de ceux de Pennywise qui ne nous tire finalement que quelques frissons… Et la jeunesse sur ce pont bancal de l’adolescence, ne peut compter que sur elle-même pour tour à tour se cacher pour mieux faire surface. La scène de la salle de bain en est d’ailleurs l’un des messages les plus significatifs (et des plus impressionnants) ; si les mares de sang se retrouvaient déjà dans Shining (entre autres), elles sont ici intimement liées au changement du corps de Beverly, en proie aux pulsions malsaines de son propre père complètement aveuglé par son vice.

 

Plus qu’un film d’horreur au sens large, Ça se présente au final plus comme un récit d’apprentissage, basé sur l’adolescence et sur les déviances humaines, mais aussi sur l’importance de l’amitié. Teinté de quelques touches d’humour et même de tendresse, le film de Muschietti dépeint ainsi un univers grinçant et tristement réaliste propre à la férocité humaine que subissent les affres de la puberté. Mais sorti de sa singulière apparence, Ça n’est autre qu’une peur vulgaire que l’on surmonte et dont on peut se défaire, en unissant les forces du groupe pour lequel l’on choisit de combattre, de s’affirmer, et avec lequel l’on se surprend à grandir.